Recettes de saison à base de plantes sauvages

La nature nous offre un garde-manger extraordinaire à chaque saison. Les plantes sauvages, souvent considérées comme de simples « mauvaises herbes », regorgent de saveurs uniques et de propriétés nutritionnelles remarquables. Cueillir et cuisiner ces trésors botaniques permet de renouer avec des traditions culinaires ancestrales tout en variant nos assiettes de façon économique et écologique. Du pissenlit printanier aux baies automnales, en passant par les fleurs estivales et les racines hivernales, chaque période de l’année présente son lot de délices sauvages à transformer en mets délicats. Partons à la rencontre de cette cuisine primitive et pourtant si raffinée, qui nous reconnecte aux cycles naturels et aux saveurs authentiques.

Les fondamentaux de la cueillette sauvage responsable

Avant de se lancer dans la préparation de recettes à base de plantes sauvages, maîtriser l’art de la cueillette responsable constitue une étape fondamentale. Cette pratique ancestrale nécessite des connaissances précises et une approche respectueuse de l’environnement.

La règle d’or de tout cueilleur débutant reste l’identification sans faille des espèces. Ne récoltez jamais une plante dont vous n’êtes pas absolument certain de l’identité. Certaines espèces comestibles possèdent des sosies toxiques, voire mortels. Munissez-vous d’ouvrages spécialisés avec photographies détaillées ou, mieux encore, faites vos premières sorties accompagné d’un botaniste expérimenté.

Pour une cueillette éthique, ne prélevez jamais plus d’un tiers des spécimens présents sur un site. Cette modération permet aux populations végétales de se régénérer naturellement. Évitez les zones potentiellement polluées : bords de routes fréquentées, terrains agricoles traités, proximité d’usines ou zones urbaines contaminées par les déjections animales.

Équipement et techniques de récolte

Un équipement minimaliste mais adapté vous facilitera grandement la tâche :

  • Un panier en osier ou un sac en toile (évitez le plastique qui fait transpirer les plantes)
  • Un couteau bien aiguisé ou des ciseaux de jardinage
  • Des gants pour protéger vos mains des épines et substances irritantes
  • Un carnet pour noter vos observations et lieux de cueillette

Concernant les techniques de récolte, adaptez votre approche selon la partie de plante recherchée. Pour les feuilles tendres, pincez-les délicatement entre vos doigts. Les tiges robustes nécessiteront l’usage du couteau. Quant aux racines, un bâton à fouir ou une petite pelle s’avèrera utile.

La conservation des plantes fraîchement cueillies représente un enjeu majeur. Idéalement, cuisinez-les dans les heures suivant la récolte. Si nécessaire, enveloppez-les dans un linge humide et conservez-les au réfrigérateur quelques jours. Pour une conservation longue durée, le séchage, la congélation ou la préparation de pestos et d’huiles aromatisées constituent d’excellentes alternatives.

Un calendrier de cueillette vous aidera à organiser vos sorties. Chaque saison offre ses trésors : ail des ours et orties au printemps, fleurs de sureau et tilleul en été, mûres et noisettes en automne, racines de pissenlit et feuilles de consoude en hiver. Prenez l’habitude de noter vos découvertes et observations pour enrichir votre expérience d’année en année.

La législation encadrant la cueillette varie selon les pays et régions. Renseignez-vous sur les espèces protégées localement et respectez les zones où la récolte est interdite (parcs nationaux, réserves naturelles). Sur les terrains privés, demandez systématiquement l’autorisation au propriétaire avant toute cueillette.

Délices printaniers : quand la nature se réveille

Le printemps marque l’explosion de la végétation et offre une abondance de jeunes pousses tendres aux saveurs souvent délicates. Cette saison représente un moment privilégié pour s’initier à la cuisine sauvage, tant les plantes comestibles se montrent généreuses et facilement identifiables.

L’ortie commune, injustement crainte pour ses propriétés urticantes, se transforme en véritable trésor culinaire dès mars-avril. Récoltez les jeunes pousses (avec des gants!) pour préparer une soupe veloutée : faites revenir un oignon émincé dans du beurre, ajoutez 200g de pommes de terre en dés, couvrez d’eau, puis incorporez 300g de jeunes feuilles d’ortie. Après 20 minutes de cuisson, mixez l’ensemble avec une touche de crème. Les feuilles d’ortie, une fois flétries par la chaleur, perdent totalement leur pouvoir urticant et révèlent une saveur proche de celle des épinards, mais plus intense et minérale.

L’ail des ours, reconnaissable à son parfum alliacé prononcé et ses larges feuilles vertes brillantes, tapisse les sous-bois humides d’avril à juin. Attention à ne pas le confondre avec le muguet toxique – l’odeur d’ail reste le critère d’identification le plus sûr. Transformez cette plante en pesto sauvage en mixant 100g de feuilles fraîches avec 50g de pignons de pin, 80g de parmesan râpé, un filet de jus de citron et 150ml d’huile d’olive. Ce condiment relevé accompagnera parfaitement pâtes, poissons grillés ou tartines.

La magie des fleurs printanières

Les fleurs comestibles du printemps apportent couleurs et saveurs subtiles aux préparations. Les délicates fleurs de primevère égayeront salades et desserts de leurs teintes pastel. Pour une entrée élégante, préparez des beignets de fleurs d’acacia : trempez les grappes florales dans une pâte à frire légère (125g de farine, 1 œuf, 20cl de bière blonde, une pincée de sel), puis plongez-les dans l’huile chaude quelques secondes. Saupoudrées de sucre glace, ces fritures aériennes offrent un parfum délicat et une texture croustillante qui surprend agréablement.

Les boutons floraux du pissenlit, cueillis avant leur ouverture, se cuisinent à la manière des câpres après un court passage en saumure. Quant aux fleurs épanouies, elles permettent de réaliser un « miel » végétal : faites macérer 250g de fleurs dans un litre d’eau pendant 24h, filtrez, ajoutez 800g de sucre et le jus d’un citron, puis faites réduire à feu doux jusqu’à consistance sirupeuse. Ce nectar doré au goût complexe sublimera yaourts, crêpes et infusions.

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Ne négligez pas les pousses d’arbres au printemps. Les jeunes aiguilles d’épicéa regorgent de vitamine C et peuvent être infusées pour créer un sirop médicinal : portez à ébullition 500g de jeunes pousses dans un litre d’eau, laissez reposer 24h, filtrez puis ajoutez 800g de sucre. Portez à nouveau à ébullition pendant 5 minutes. Ce sirop se conserve plusieurs mois au réfrigérateur et constitue un remède traditionnel contre les affections respiratoires.

Pour terminer un repas printanier sur une note fraîche, essayez cette recette de sorbet aux fleurs de sureau : faites infuser 20 ombelles de fleurs dans un litre d’eau bouillante avec le zeste d’un citron. Après refroidissement, filtrez, ajoutez 200g de sucre et le jus de deux citrons. Turbinez dans une sorbetière pour obtenir un dessert aux notes florales incomparables, évoquant le lychee et la muscat.

Trésors estivaux : l’abondance des champs et forêts

L’été représente l’apogée de la végétation sauvage, avec une diversité extraordinaire de plantes comestibles à leur pleine maturité. Cette saison chaude offre particulièrement de nombreuses baies et fruits sauvages qui raviront les palais aventureux.

Les mûres sauvages, ces petites drupes noires brillantes qui poussent sur les ronces, constituent une récolte incontournable de fin d’été. Riches en vitamines et antioxydants, elles se dégustent nature ou transformées en confiture. Pour une recette originale, préparez un vinaigre de mûres : faites macérer 500g de fruits dans 75cl de vinaigre de cidre pendant trois semaines. Filtrez puis ajoutez 250g de miel. Ce condiment acidulé et fruité sublimera vos vinaigrettes et déglaçages de viandes.

Le sureau noir produit en été des ombelles de baies pourpres qui, bien que toxiques crues, révèlent leurs qualités une fois cuites. Un classique de la cuisine sauvage reste le rob de sureau : faites cuire 1kg de baies mûres dans un peu d’eau, passez au moulin à légumes pour éliminer les pépins, puis réduisez le jus obtenu avec 400g de sucre jusqu’à consistance sirupeuse. Ce concentré aux propriétés immunostimulantes se conserve plusieurs mois et s’utilise dilué dans de l’eau chaude contre les refroidissements.

Les plantes aromatiques sauvages estivales

L’été voit fleurir de nombreuses plantes aromatiques sauvages qui apporteront une dimension nouvelle à vos plats. Le thym serpolet, cousin sauvage du thym cultivé, tapisse les sols calcaires de ses petites feuilles parfumées. Plus puissant que son homologue domestique, il parfumera idéalement les marinades pour viandes grillées. Pour une recette simple mais savoureuse, préparez un beurre composé : mélangez 125g de beurre ramolli avec 2 cuillères à soupe de serpolet haché, une gousse d’ail écrasée et le zeste d’un citron. Roulé en bâtonnet et refroidi, ce beurre se conservera deux semaines au réfrigérateur.

La reine des prés, reconnaissable à ses hautes tiges couronnées de fleurs blanches crémeuses, pousse dans les zones humides. Ses fleurs contiennent des composés proches de l’aspirine et exhalent un parfum d’amande. Utilisez-les pour aromatiser une crème anglaise : faites infuser une poignée de fleurs dans 50cl de lait chaud, filtrez, puis réalisez votre crème avec 4 jaunes d’œufs et 80g de sucre. Cette préparation servira de base à une glace ou accompagnera des fruits rouges pour un dessert raffiné aux notes subtiles.

Le millepertuis, aux fleurs jaunes ponctuées de glandes translucides, s’épanouit en plein soleil. Macérées dans de l’huile d’olive pendant trois semaines (250g de fleurs pour 1L d’huile), ces fleurs produisent une huile rouge rubis aux propriétés anti-inflammatoires reconnues. Utilisez-la pour des massages ou comme base pour une vinaigrette médicinale.

Pour une boisson rafraîchissante typiquement estivale, préparez un sirop de menthe sauvage : faites infuser 200g de tiges et feuilles de menthe sauvage dans un litre d’eau bouillante pendant une heure. Filtrez, ajoutez 800g de sucre et portez à ébullition pendant 5 minutes. Conservé en bouteille stérilisée, ce sirop se diluera dans de l’eau glacée pour des boissons désaltérantes ou s’incorporera dans des cocktails créatifs.

Récoltes automnales : la saison des fruits et racines

L’automne marque une période d’abondance où la nature, avant de s’endormir, offre ses derniers trésors. Cette saison transitoire privilégie particulièrement les fruits charnus, les noix et les racines gorgées de nutriments qui constituaient jadis les réserves hivernales de nos ancêtres.

Les cynorrhodons, fruits écarlates de l’églantier (rosier sauvage), atteignent leur pleine maturité après les premières gelées. Extraordinairement riches en vitamine C (jusqu’à 20 fois plus que l’orange), ils se transforment en délicieuse confiture après un travail minutieux d’évidage pour retirer les poils irritants qu’ils contiennent. Pour 500g de chair de cynorrhodons, comptez 400g de sucre et le jus d’un citron. Cette confiture légèrement acidulée accompagnera parfaitement les fromages à pâte dure ou les viandes froides.

Les noisettes sauvages, plus petites mais souvent plus parfumées que leurs cousines cultivées, se récoltent de septembre à octobre. Torréfiées légèrement au four (150°C pendant 15 minutes), elles développent des arômes complexes. Broyez-les finement pour réaliser un pesto forestier : mixez 100g de noisettes torréfiées avec 80g de champignons des bois poêlés, 50g de parmesan, une gousse d’ail et 150ml d’huile d’olive. Ce condiment rustique sublimera pâtes, risottos et viandes grillées.

Les champignons et baies d’automne

L’automne reste indissociable des champignons forestiers. Si leur cueillette exige une expertise particulière, certaines espèces comme les girolles ou les cèpes restent relativement faciles à identifier pour un œil attentif. Pour une recette simple mais savoureuse, préparez une poêlée forestière : faites revenir 500g de champignons mélangés avec une échalote ciselée dans du beurre, déglacez au vin blanc, puis ajoutez une poignée de noisettes concassées et quelques brins de persil sauvage haché. Cette préparation constitue un accompagnement royal pour viandes rôties ou peut se transformer en velouté avec l’ajout de crème fraîche et bouillon.

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Les baies de genévrier, ces petites sphères bleu-noir au goût résineux et poivré, parfument traditionnellement les plats de gibier. Pour une marinade automnale, écrasez une dizaine de baies et mélangez-les à 3 cuillères à soupe d’huile d’olive, une branche de thym sauvage et une gousse d’ail écrasée. Laissez mariner une pièce de chevreuil ou de sanglier pendant 12 heures avant cuisson.

L’automne voit aussi la maturation des arbouses, fruits rouges granuleux de l’arbousier au goût unique entre fraise et figue. Transformez-les en un chutney original : faites mijoter 500g d’arbouses avec un oignon rouge émincé, 100g de sucre roux, 10cl de vinaigre balsamique et une cuillère à café de mélange quatre-épices. Après 30 minutes de cuisson, vous obtiendrez un accompagnement idéal pour fromages et viandes froides.

Les racines sauvages automnales regorgent de ressources nutritives. La racine de bardane, légume oublié au goût proche de l’artichaut, se récolte en première année de croissance. Pelée et coupée en bâtonnets, faites-la blanchir 5 minutes puis poêlez-la avec une sauce au miso : mélangez 2 cuillères à soupe de miso, 1 cuillère à soupe de miel et 3 cuillères à soupe de sauce soja. Ce plat d’inspiration japonaise (le gobo) vous fera redécouvrir cette plante souvent négligée malgré ses qualités gustatives et dépuratives remarquables.

Saveurs hivernales : quand la nature se fait discrète

Contrairement aux idées reçues, l’hiver n’est pas une saison morte pour la cueillette sauvage. Certes moins abondante, la nature continue d’offrir des ressources précieuses à qui sait les chercher. Cette période de repos apparent privilégie les plantes persistantes, certaines écorces et racines gorgées de nutriments.

Le lierre terrestre, petite plante rampante aux feuilles réniformes persistantes, reste disponible même sous la neige légère. Son parfum mentholé et légèrement résineux apporte une touche originale aux plats hivernaux. Pour une soupe réconfortante, faites revenir un poireau émincé dans du beurre, ajoutez 200g de pommes de terre en dés, couvrez d’eau, puis incorporez une poignée de feuilles de lierre terrestre en fin de cuisson. Mixée avec une touche de crème, cette soupe dégage des arômes complexes qui surprendront agréablement vos convives.

Les pignons de pin, ces graines logées dans les pommes de pin matures, se récoltent idéalement en hiver lorsque les écailles s’ouvrent. Leur extraction demande patience mais le résultat vaut l’effort. Torréfiés légèrement à la poêle, ils développent un goût beurré incomparable. Incorporez-les à une salade d’hiver avec des tranches fines de betteraves sauvages, quelques feuilles de pissenlit et un filet d’huile de noix pour une entrée colorée et nutritive.

Les écorces et bourgeons d’hiver

Certaines écorces internes, comme celle du tilleul ou du bouleau, contiennent un cambium comestible riche en nutriments. Prélevée avec parcimonie sur des branches tombées naturellement (jamais sur l’arbre vivant), l’écorce interne de tilleul peut être séchée puis moulue en farine. Mélangée à de la farine de blé (1/3 d’écorce pour 2/3 de blé), elle permet la réalisation de pains et galettes au goût subtil et aux propriétés apaisantes.

Les bourgeons de nombreux arbres constituent une ressource hivernale précieuse. Ceux du hêtre, récoltés juste avant leur éclosion en fin d’hiver, offrent une saveur douce et légèrement acidulée. Conservés dans du vinaigre de cidre à la manière des câpres (200g de bourgeons pour 50cl de vinaigre et 1 cuillère à soupe de sel), ils agrémenteront salades et plats de poisson pendant plusieurs mois.

Pour une boisson tonifiante hivernale, préparez une décoction d’écorce de bourdaine : faites bouillir doucement 30g d’écorce séchée dans un litre d’eau pendant 15 minutes, filtrez puis ajoutez le jus d’un citron et une cuillère à soupe de miel. Cette préparation aux propriétés dépuratives traditionnelles aide à traverser la période hivernale.

Les racines constituent l’or caché de l’hiver. Celle de la consoude, riche en allantoïne, se récolte pendant la dormance de la plante. Lavée, pelée et coupée en tronçons, faites-la cuire à l’étouffée avec un peu d’eau, du sel et un filet d’huile d’olive pendant 20 minutes. Sa texture rappelle celle de l’asperge tandis que sa saveur évoque subtilement l’huître végétale. Servez-la nappée d’une sauce au yogourt citronnée relevée de quelques aiguilles de pin sylvestre hachées.

La racine de pissenlit, particulièrement développée en hiver, offre une alternative locale à la chicorée. Torréfiée au four (180°C pendant 30 minutes), puis moulue finement, elle produit une poudre au goût malté qui, infusée, donne une boisson chaude réconfortante. Pour accentuer sa saveur, ajoutez quelques graines de cardamome sauvage écrasées et une touche de miel de fleurs forestières.

De la nature à l’assiette : conservation et transformation

La richesse des plantes sauvages ne se limite pas à leur consommation immédiate. Maîtriser les techniques de conservation et de transformation permet d’étendre leur utilisation bien au-delà de leur période de récolte, créant ainsi un garde-manger naturel disponible toute l’année.

Le séchage représente la méthode la plus ancestrale et souvent la plus simple. Pour les plantes aromatiques comme le thym sauvage ou l’origan, suspendez des bouquets tête en bas dans un endroit sec, aéré et sombre pendant une à deux semaines. Pour les feuilles plus charnues comme l’ortie ou la consoude, utilisez un déshydrateur réglé à 40°C ou un four à très basse température (porte entrouverte). Les plantes parfaitement sèches doivent se briser facilement entre les doigts. Conservées dans des bocaux hermétiques à l’abri de la lumière, elles garderont leurs propriétés pendant 12 à 18 mois.

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La lactofermentation, processus de conservation naturel utilisant des bactéries lactiques, convient particulièrement aux légumes sauvages. Pour fermenter des pousses d’égopode (herbe aux goutteux), hachez grossièrement 500g de jeunes feuilles, mélangez avec 15g de sel, tassez dans un bocal en veillant à ce que le liquide recouvre entièrement les végétaux. Fermez et laissez fermenter à température ambiante pendant une semaine, puis conservez au réfrigérateur. Ce condiment acidulé et vivant, comparable au kimchi coréen, accompagnera viandes grillées et céréales.

Les préparations à base d’huile et d’alcool

L’huile constitue un excellent médium pour capturer les principes aromatiques et médicinaux de nombreuses plantes sauvages. Pour réaliser une huile de millepertuis, remplissez un bocal transparent de fleurs fraîches et couvrez d’huile d’olive de qualité. Exposez au soleil pendant trois semaines, en agitant régulièrement. Filtrez soigneusement. L’huile, devenue rouge rubis, se conservera un an à l’abri de la lumière et servira tant en cuisine qu’en application externe pour ses propriétés anti-inflammatoires.

Les vinaigres aromatisés permettent de capturer l’acidité et les saveurs de certaines plantes. Un vinaigre d’achillée millefeuille se prépare en faisant macérer 100g de feuilles et fleurs fraîches dans 75cl de vinaigre de cidre pendant trois semaines. Après filtration, ce condiment aux notes herbacées et épicées relèvera vinaigrettes et marinades.

La macération alcoolique extrait efficacement les composés aromatiques et médicinaux. Pour une liqueur de mélisse sauvage, faites macérer 200g de feuilles fraîches dans 70cl d’eau-de-vie neutre pendant deux semaines. Filtrez puis ajoutez un sirop préparé avec 250g de sucre dissous dans 25cl d’eau. Après deux mois de repos, cette liqueur digestive développera des arômes citronnés complexes.

Les poudres de plantes sauvages constituent un moyen compact de conservation. La poudre d’ortie, obtenue en broyant finement des feuilles parfaitement séchées, s’incorpore à de nombreuses préparations pour leurs qualités nutritives exceptionnelles. Une cuillère à café ajoutée à des soupes, smoothies ou pâtes à pain augmente significativement leur valeur nutritionnelle sans altérer leur goût.

Pour les fruits sauvages, la technique du coulis congelé préserve remarquablement leurs qualités organoleptiques. Mixez finement des baies d’argousier avec un peu de sucre (300g de baies pour 100g de sucre), puis congelez en petites portions dans un bac à glaçons. Ces concentrés de saveur et de vitamine C viendront réveiller yaourts, sauces et desserts en plein hiver.

N’oublions pas les sels aromatisés, préparations simples mais efficaces. Mélangez intimement du gros sel avec des herbes sauvages séchées finement hachées (3 parts de sel pour 1 part d’herbes). Un sel à l’alliaire, plante au goût d’ail sauvage, transformera instantanément vos plats les plus simples en créations gastronomiques.

La cuisine sauvage au fil des saisons : une reconnexion essentielle

Intégrer les plantes sauvages dans notre alimentation quotidienne représente bien plus qu’une simple mode culinaire. Cette démarche incarne une véritable reconnexion avec notre environnement naturel et nos racines alimentaires les plus profondes. Avant l’agriculture moderne, nos ancêtres dépendaient intimement de leur capacité à identifier et utiliser les ressources végétales spontanées qui les entouraient.

La cuisine sauvage nous invite à redécouvrir le rythme des saisons dans sa forme la plus authentique. Contrairement au supermarché où tout semble disponible en permanence, la cueillette nous confronte aux cycles naturels et nous apprend la patience. L’attente des premières pousses d’ail des ours au printemps, l’éphémère floraison du sureau en juin ou la brève disponibilité des cynorrhodons après les premières gelées nous reconnectent avec le temps cyclique de la nature.

Cette pratique développe également notre conscience écologique et notre sens de l’observation. Le cueilleur attentif remarque comment les populations végétales fluctuent d’une année à l’autre, comment certaines espèces réagissent aux changements climatiques, comment les écosystèmes évoluent. Cette intimité avec le monde végétal engendre naturellement un désir de protection et de respect.

Un patrimoine culturel à préserver

La cuisine des plantes sauvages représente un patrimoine immatériel menacé d’oubli. Chaque région possède ses traditions spécifiques : la soupe d’orties des campagnes du Nord, les beignets de fleurs d’acacia de l’Est, les salades sauvages méditerranéennes ou les liqueurs de baies montagnardes. Ces savoirs, transmis oralement pendant des générations, disparaissent rapidement avec nos aînés si nous ne prenons pas la peine de les recueillir et de les pratiquer.

D’un point de vue nutritionnel, les plantes sauvages surpassent généralement leurs équivalents cultivés. Une étude comparant l’ortie sauvage à l’épinard cultivé a démontré que la première contient jusqu’à quatre fois plus de minéraux et deux fois plus de protéines que le second. Le pissenlit sauvage offre sept fois plus de vitamine C que la laitue. Cette supériorité s’explique par l’absence de sélection artificielle ayant privilégié le rendement et l’aspect au détriment des qualités nutritives.

La diversification alimentaire représente un autre bénéfice majeur. Notre régime moderne s’est considérablement appauvri : alors que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs consommaient plus de 150 espèces végétales différentes par an, notre alimentation contemporaine repose sur une vingtaine d’espèces cultivées. Intégrer des plantes sauvages permet de réintroduire cette diversité perdue et d’exposer notre microbiote intestinal à un éventail plus large de composés bioactifs.

Sur le plan gustatif, les plantes sauvages offrent des saveurs intenses et complexes que l’agriculture industrielle a souvent sacrifiées au profit de caractéristiques commerciales comme la taille, l’aspect ou la conservation. Redécouvrir l’amertume légère du pissenlit, le piquant de l’alliaire ou les notes anisées de l’aspérule odorante enrichit considérablement notre palette gustative et nous rappelle que la standardisation des saveurs constitue un appauvrissement sensorial.

Pour commencer cette aventure culinaire, nul besoin de se transformer en botaniste chevronné. Apprenez à reconnaître parfaitement trois ou quatre plantes communes et sans risque de confusion (ortie, pissenlit, sureau noir, ail des ours) et explorez leurs utilisations au fil des saisons. Progressivement, élargissez votre répertoire en vous formant auprès de guides spécialisés ou en participant à des sorties organisées par des associations naturalistes.

La cuisine sauvage nous enseigne finalement l’humilité et la gratitude. Face à l’abondance généreuse et gratuite de la nature, nous réapprenons que notre subsistance dépend fondamentalement d’un équilibre écologique fragile que nous avons tout intérêt à préserver. Chaque repas enrichi de plantes sauvages devient ainsi un acte de reconnaissance envers le monde vivant qui nous entoure et nous nourrit depuis l’aube de l’humanité.